Cela suffit ! Kevin ne se laissera pas faire, il est temps que ce gouvernement de fascistes comprenne que le peuple français refuse cette austérité imposée par des puissances étrangères !
Kevin essuie sa sueur abondante d’un revers de main : dans sa petite chambre-étuve d’étudiant inscrit en sociologie à Rennes 2, devant ses murs décorés d’un poster de Che Gevara trans et d’une série de flyers colorés par des arc-en-ciels équitables et inclusifs, alors que la température intérieure frise les 32°, il serre ses petits poings juvéniles en repensant à cette journée d’avril où la police gouvernementale avait éparpillé avec brutalité ses camarades qui tentaient de se mobiliser contre l’austérité dans l’enseignement.
Suite aux récentes annonces de Bayrou, qui entend supprimer des jours fériés et geler certaines prestations sociales, Kevin comprend que le pays a pris la mauvaise direction vers un fascisme décontracté qu’il a toujours juré de combattre. Or, ça tombe bien, ce 10 septembre aura lieu un vrai mouvement citoyen – il l’a lu sur internet ! – qui entend lutter contre ces dérives insupportables.
C’est décidé, Kevin en sera : la lutte antifasciste passe par une mbilisation intense et ses petits poings ne seront pas de trop pour crier « No Pasaran » – ce qui veut dire « Il n’y a plus de parmesan » et pour Kevin, c’est une métaphore claire : la fète est finie, le capitalisme devra céder.
De son côté, Karim n’en peut plus lui aussi : le racisme évident de sa commune lui fait trembler de rage dans son pantalon triangle.
Cette commune a en effet tenté d’organiser, alors que les températures dépassent les 30° à l’ombre, une séance de cinéma en plein air pour projeter « Barbie », film qui porte sur la persécution des Juifs sous l’Occupation et donc sur l’antisémitisme, une thématique pourtant lourdement instrumentalisée ces derniers mois et très probablement pour justifier le massacre à Gaza.
Et peu importe au final – comme l’apprendra plus tard Karim – que le film soit en réalité sur la poupée Mattel et non sur un certain Klaus : le racisme est un combat permanent dont notre fier Noiséen vapoteur ne se défilera pas. Dès lors, Karim a bien noté ce mouvement populaire et citoyen qui aura lieu le 10 septembre et il se prépare donc, tout comme Kevin et pliant soigneusement son drapeau palestinien dans son étui (prêt à ressortir ce jour là), à joindre ses forces pour un anti-racisme ferme et revendicatif. Il prendra sa vapoteuse parfum myrtille.
Quant à Bernard, lui aussi a observé, de son œil expérimenté par 40 ans de conflits salariaux et de son oreille affutée par 40 ans de rock, la direction prise par le pays ces dernières années.
Sa retraite, bien méritée après toutes ces années de lutte syndicale, semble à présent menacée par les insistantes rumeurs de restrictions budgétaires qui circulent sur son Facebook et dans les épais Paouèrepointes animés que lui partagent par email ses camarades dont certains ne sont pas encore pensionnés : selon eux, c’est sûr, le gouvernement écouterait un certain Nicolas, un petit con ultranéolibéral à la solde du patronat et de Bernard Arnault, et de plus en plus véhément lorsqu’il s’agit de payer sa quote-part pourtant légitime et obligatoire.
Cette lutte contre la dépense publique masque mal une volonté de couper sauvagement dans les services publics pourtant exemplaires qui font la force et le charme du pays. Cette lutte n’est pas du tout celle de Bernard, qui est à la lutte de classes ce que la guitare électrique est au rock’n’roll.
Et malgré la chaleur étouffante qui s’est largement installée dans sa longère dont l’isolation a pourtant été récemment refaite en bénéficiant de MaPrimRenov – et d’un peu de travail au black finement négocié avec d’anciens collègues encore en activité, Bernard s’agite. Il ne s’en laissera plus compter. Il monte le son de son 33 tours des Pink Floyd.
Lui aussi a reçu l’un de ces chain-mails roboratifs appelant à une journée de mobilisation, le 10 septembre prochain. Lui aussi estime nécessaire de « tout bloquer », comme le préconise ce « collectif citoyen » qui revendique bien sûr son indépendance vis-à-vis des partis et des syndicats – et qui appelle à un blocage national à cette date-là.
Coïncidence amusante : ce collectif à génération spontanée est d’ailleurs rejoint par la CGT, FO, Solidaires et d’autres syndicats à peine plus discrets dont l’affiliation politique peut difficilement être qualifiée de droite ou même neutre.
Bernard sert ses petits poings en relisant, une fois encore, le tract tout juste reçu de Philippe qui liste les demandes, évidentes, de cette journée de mobilisation : revalorisation des salaires minimaux, arrêt de l’insupportable austérité et des coupes budgétaires ultralibérales, fin de l’injustice sociale et des licenciements, une vraie imposition des riches et des nantis… L’odeur de merguez chatouille déjà le nez de Bernard.
Kevin, Karim et Bernard sont décidés : Nicolas va s’en prendre plein la gueule et la journée du 10 septembre va chauffer !
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Il apparaît finalement que la journée du 10 septembre, largement suivie sur les réseaux sociaux et très anticipée par les pouvoirs publics, n’a remporté qu’un succès mitigé mais qui marque tout de même une étape importante dans la lutte contre la climatisation outrancière du parc immobilier français.
Malgré l’absence remarquée du collectif « Nicolas Qui Paie », cette mobilisation a cependant permis d’exprimer l’importance, pour les Français, de la lutte contre le réchauffement climatique et le rejet des solutions de facilité qui ne font que déplacer le problème.
De son côté, le premier ministre François Bayrou a pris la parole en fin de soirée pour exprimer sa compréhension du phénomène, et assurer ses compatriotes de la prise en compte de leurs remarques. Selon lui, il devient impératif de lancer rapidement une réflexion approfondie pour établir comment interdire la climatisation sur le territoire. L’actuel occupant de Matignon a toutefois fait savoir qu’il chercherait le compromis en mettant en place les nécessaires mécanismes d’accompagnement de la filière des fabricants et installateurs de climatisation, afin notamment de les aider à tourner leurs productions et leurs services vers l’exportation. Une subvention spécifique est à l’étude, ainsi qu’un chèque ventilateur.
Mouvement récupéré par toute la Gôche et le gouvernement…
Ça l’aidera à faire passer des textes restrictifs de tout en arguant de ce qu’il trouvera comme prétextes…
Juste un intermède avant le retour de l’AN au taff (façon de parler) de trahison permanente de leurs mandants…