La presse française étant ce qu’elle est (c’est à dire aussi subventionnée que médiocre), ce que Trump a réalisé en matière de cryptomonnaies est bien évidemment passé à peu près inaperçu de ce côté-ci de l’Atlantique. Pourtant, la Banque Centrale Européenne vient d’en faire récemment les frais…
Pour comprendre ce qui se passe, il faut remonter quelques semaines en arrière, et plus précisément mi-juillet.
C’est en effet le 18 juillet dernier qu’a été promulgué aux États-Unis le Genius Act, une loi qui établit notamment un cadre pour les stablecoins, ces cryptomonnaies indexées sur des actifs stables, notamment le dollar américain et qui impose à leurs émetteurs de détenir des réserves équivalentes en dollars ou en actifs liquides à faible risque, principalement des bons du Trésor américain.
L’idée derrière cette loi est d’accroître la confiance du public dans les actifs numériques afin de favoriser leur adoption comme moyen de paiement alternatif, rapide et économique, mais surtout, ce mécanisme stimule la demande pour les bons du Trésor américains. Ainsi, en 2025, des entreprises comme Tether (avec son stablecoin USDT) et Circle (USDC) détenaient déjà 144 milliards de dollars en bons du Trésor, et le marché des stablecoins, évalué à 250 milliards de dollars, pourrait atteindre 2 000 milliards d’ici 2028 selon le Trésor américain. Avec cette loi, l’administration Trump vise donc à accroître la demande pour la dette publique et donc en réduire les taux, et par conséquence les coûts d’emprunt.
Assez logiquement, cette loi a déclenché un enthousiasme marqué de la part des promoteurs des cryptomonnaies qui voient là une façon concrète d’amener sinon le grand public au moins certains institutionnels (ceux qui négocient les bons du trésor américain par exemple) à s’intéresser à ces nouveaux moyens financiers, pendant que les esprits chagrins n’ont pu s’empêcher de noter que s’éloigne encore un peu plus le rêve de Satoshi Nakamoto, le créateur de Bitcoin, d’avoir une monnaie libre et vraiment indépendante des États…
Indépendamment de ces points de vue, cette loi laisse aussi transparaître l’écart entre le volontarisme américain d’une administration Trump décidée à pousser son pays vers ces nouveaux moyens monétaires et financiers, et, de l’autre côté de l’Atlantique, le véritable empotement de plus en plus caricatural de l’Union européenne, le cas de la France (détaillé dans un précédent billet) atteignant des sommets facepalmesques assez stupéfiants.
Et de façon intéressante, il n’aura donc pas fallu beaucoup plus d’un mois à laisser mijoter cette situation pour que la BCE (Banque Centrale Européenne) comprenne l’ampleur du changement géostratégique ainsi impulsé par les États-Unis.
Pour rappel, Christine Lagarde, actuellement en charge de l’institution monétaire européenne, continue vaille que vaille (et surtout coûte que coûte, c’est Nicolas Qui Paie, et il n’est pas à 30 milliards d’euros près, le bougre) à pousser l’idée bien bureaucratique et typique de l’actuelle nomenklatura européenne d’un Euro numérique basé sur les technologies de la blockchain.
Sur le papier, ce projet vise donc à créer une monnaie numérique de banque centrale (CBDC) fonctionnant sur une blockchain totalement contrôlée par la puissance publique et dont l’idée était de renforcer (on ne sait pas trop comment concrètement) la souveraineté monétaire européenne face aux propositions équivalentes privées – les blockchains les plus efficaces – ou aux CBDC concurrentes comme en Chine et dont l’usage pour « fermement policer le citoyen » n’aura échappé à personne, surtout pas aux maniaques européens du contrôle permanent.
Ce projet, déjà décrit ici ou là, est cependant en train de prendre une autre tournure avec l’annonce en fin de semaine dernière d’un changement radical dans ses fondations : en lieu et place d’une blockchain bâtie par l’institution monétaire et qui n’aurait donc pas été ouverte à tous, la BCE envisage de développer son euro numérique sur une blockchain publique, comme l’Ethereum ou le Solana.
Ce changement n’est pas anodin et offre de nombreux avantages par rapport à la solution précédemment poussée par la BCE : outre une réelle transparence des transactions – une blockchain publique permet en effet à n’importe qui de vérifier les opérations passées sans intermédiaire, le passage par une chaîne publique connue accroît notablement la décentralisation de ce putatif euro numérique, rendant le réseau plus résilient aux pannes ou aux attaques.
D’autre part, en utilisant une chaîne connue, l’euro numérique facilitera l’intégration avec des protocoles de finance décentralisée, ce qui pourrait stimuler l’innovation. L’Europe en a bien besoin, la récente entrée en force du règlement MiCA ayant passablement alourdit (quasiment au point de la tuer) l’innovation cryptomonétaire sur le Vieux Continent.
Mais surtout, une telle chaîne publique rend beaucoup plus visible toute tentative de censure – interdiction de transaction sur des motifs politiques, typiquement – et offre une alternative pour s’en affranchir. Ceci sape un peu plus les dinosaubanques traditionnelles (et leur propension à refuser ou fermer des comptes à certains activistes politiques qu’elles prendraient en grippe en fonction des demandes du pouvoir en place – dernier exemple en date lisible ici), notamment en fournissant directement au particulier une façon de stocker son épargne sans plus passer du tout par ces établissements privés.
Autrement dit, c’est un changement de cap à 180° que vient d’effectuer la BCE.
Il apparaît qu’elle et les autorités européennes sont à ce point larguées par ce qui se passe actuellement sur la scène internationale et notamment aux États-Unis qu’elles ne se placent plus qu’en réaction à la politique américaine. Ce n’est pas plus mal, puisque lorsqu’elles sont livrées à elles-mêmes, elles enfilent les propositions qui sont sidérantes d’imbécilité ou de contrôle paranoïaque, ou ressemblent à l’auto-sabotage pur et simple.
En l’état, cette proposition revient donc à abandonner la capacité d’un contrôle profond et étendu du citoyen européen, et à tenter une adaptation dans la précipitation, ce qui augmente énormément la probabilité de faire un gros n’importe quoi inefficace pour leurs buts réels (et difficilement avouables).
Pour le moment et de ce point de vue, c’est donc une excellente nouvelle.
Si ça pouvait foirer, ce mauvais plan !
Méchant !!!
Je parlais de l’euro numérique dans ses récentes versions aux buts réels bien différents de ceux mis en avant.
C’est bien ce que je disais, méchant. Tu dois tout faire pour que les projets nirvanaïens de l’UE aboutissent.
D’ailleurs Christine Lagarde a fermement réagi au point que Donald s’est réfugié dans un abri anti-atomique : 20minutes.fr/monde/etats-unis/4169296-20250825-etats-unis-christine-lagarde-recadre-donald-trump-independance-banques-centrales
Ces clowns croient vraiment à leur importance, c’est navrant.
au prix où ils sont payés… ils peuvent y croire.
Je suis très sceptique sur l’abandon par l’UE de ses projets de contrôle total des ressortissants. Je peux bien admettre que le cuirassé a encaissé un méchant coup au but par le fait de Trump (encore lui) mais je ne le vois pas désemparé au point de renoncer.
Ca viendra…avec la faillite de la France.
« notamment en fournissant directement au particulier une façon de stocker son épargne sans plus passer du tout par ces établissements privés. »
Je ne comprends pas, un volontaire pour m’expliquer ?
Moi pas spécialiste, mais une crypto est inscrite sur un bilan comptable théoriquement infalsifiable tant qu’il y a du jus dans la prise, donc à partir du moment où tu as ton mot de passe, tu peux retirer tes billes.
Mais le problème de la transparence, n’est-ce pas que tout le monde voit ton intimité ? Si toutes les transactions sont intrinsèquement visibles, les moyens de contrôle, et donc de spoliation, deviennent mécaniquement plus nombreux.
L’euro numérique sera stockable en cold wallet ? Je n’y crois pas trop.
j’aime le « tant que tu as du jus dans la prise »…
Je l’ai compris dans le sens où du fait que ces cryptomonnaies soient indexées sur des actifs stables, notamment le dollar américain, cela fait que quand vous achetez une de ces crypto c’est aussi risqué qu’acheter une obligation d’état US, ce qui est en gros stocker son épargne.
Il y a des échanges décentralisés qu’on appelle DEX, çad uniquement gérés par des smart contracts, càd un programme informatique stocké sur une blockchain et qui s’exécute uniquement si les conditions sont réunies. Donc vous pouvez avoir mettons des USDC ou mieux des Eth ou autres, et vous pouvez soit les prêter soit emprunter sans aucune institution financière au milieu, donc sans la commission et sans le paperwork…dans le cas du prêt vous obtenez un rendement de 5-8% / an en stablecoin, dans le cas d’un emprunt, vous payez un intérêt.
ça marche un peu comme le mont de piété à l’ancienne.
Vous déposez une garantie, qu’on appelle collatéral, et vous pouvez emprunter ou prêter à certaines conditions ( nous ne rentrerons pas dans les conditions) et vous rend le principal + intérêt…ou vous payez le montant de l’emprunt.
disons c’est en gros le fonctionnement de ce que l’on appelle la DeFi, Decentralized Finance…
De nombreux protocoles proposent ce genre de choses, on pense à hyperliquid entre autres…
10 programmeurs peuvent gérer des TVL sur leur protocole de dizaines de milliards de dollars de TVL (total value locked) en finance traditionnelle on parle d’AUM (asset under management) et là il faut beaucoup beaucoup plus de monde…et donc de frais pour payer ces gens…
le patron parle de Defi, finance décentralisée où tout est géré par des contrats informatiques stockés sur une blockchain…pas de papier pour faire un emprunt ou prêter de l’argent.
Plusieurs protocoles font cela, on peut citer hyperliquid entre autres. 10 programmateurs un peu sérieux peuvent gérer des TVL (total value locked) de plusieurs dizaines de milliards de dollars, là où en finance traditionnelle on parlera de AUM (Asset Under Management…) et cela nécessitera des 10aines d’employés et d’énormes frais pour faire fonctionner la paperasse…
La Defi fonctionne en gros comme le prêt lombard ou le mon de piété, on dépose une garantie, qu’on appelle collatéral, et avec cela on peut emprunter ou prêter avec des rendements annuels de 5-8%…
Ce que j’ai compris, c’est qu’il est possible de conserver son argent par soi-même en crypto-monnaie, e.g. sur une clé USB, pas besoin de banque.
Il est aussi possible de conserver son épargne physique chez soi, mais ca peut devenir difficile suivant les sommes et peu sûr en cas de vol, incendie,…
Par ailleurs, il n’y a plus besoin d’intermédiaire bancaire pour le virement, le virement se fait directement d’utilisateur à utilisateur comme un paiemen en cash donc pas besoin de banque.
Si seulement cette « bonne nouvelle » à confirmer pouvait se concrétiser, on en a besoin de bonne nouvelles ces temps-ci… Mais cela va ensoleiller ma journée, tout de même, merci patron !
Je ne comprends rien à ces bidules virtuels, question de génération où 100 francs valaient 10.000 balles.
USD1 stablecoin by the Trump & Witkoff family « It’s still the US Dollar, but for a new era »:
https:/ /worldlibertyfinancial.com/about
la famille Trump a subi du debanking sauvage et a dû s’organiser :
youtube.com/shorts/2qOMQHS40us
J’en déduis qu’aux US aussi ta banque peut te foutre à la lourde selon son bon vouloir, basé sur des soupçons de mal-pensance.
Et en cas de chute du US$ pour cause de dédollarisation?
L’euro numérique sera bien supérieur à toutes les monnaies numériques qui existent jusqu’à présent. Il sera inclusif, 100 % à base de dette recyclée, neutre en CO2, et surtout livré avec un portefeuille au bouchon solidaire 😀 prends ça dans ta face Donald 😀
Je suis assez sceptique sur votre conclusion, alors oui que ce soit sur une blockchain type Ethereum voire n’importe quelle L2, très bien, cependant les règles du token sont édictées par l’admin via le smart contract déployé par l’admin, or l’admin reste la BCE. J’ai plutôt l’impression que c’est un leurre, type « regardez on n’a rien à cacher, on émet le token sur une blockchain auditable à chaque bloc » et derrière on écrit les règles les plus liberticides sur le contrat déployé qui dicte les règles du CBDC. Je connais bien Solidity et je développe dessus, il suffit de quelques mots clés sur n’importe quelle fonction, type super_admin et là c’est comme un super_admin sur n’importe quel système informatique et on peut compter sur l’inertie des Européens pour faire passer tout cela crème, surtout si le niveau en programmation pour Solidity est équivalent au niveau général en économie…
Vous parlez de stablecoins, voilà une formidable manne pour encore emprunter…et Trump l’a bien compris, on notera la totale absence d’un stablecoin en Euro…
D’où ma conclusion, on va arriver à un bitcoin-Dollar comme on parle d’un pétro-dollar, c’est à dire que la seule manière d’acquérir des cryptomonnaies via des échanges sera d’avoir des USD…
Il est plus que probable que les USA cherchent et chercheront à garder la main dirigiste dans ce domaine comme dans tant d’autres.
Pas un seul des sujets que le Patron aura à traiter en cette rentrée, qui ne pourra être introduit par le mot « Panique : » comme celui d’aujourd’hui.
Cela étant dit, je n’ai jamais rien compris aux bitcoins, étant de l’époque où le seul moyen d’essayer d’échapper aux divers contrôles étatiques était, lorsqu’on en avait les moyens, de posséder de l’or.
Je me demande s’il existe une statistique évaluant le nombre de Français intéressés par le sujet des bitcoins ?
La note finale optimiste est si inhabituelle qu’elle m’inquiète . Du fond de ma totale ignorance délibérée de la technique en oeuvre , je suis définitivement parmi les esprits chagrins et partage les commentaires septiques et la conviction pessimiste des volontés de contrôle du populo
Je vous rejoins là dessus, mais pas pour les mêmes raisons.
Mon ignorance est, hélas, non délibérée (je n’y pige rien, tout simplement) et en plus, la possibilité d’épargner est un concept qui a disparu de mon vocabulaire depuis une bonne décennie.
@ du 25 août 2025, 11 h 28 min
« et partage les commentaires septiques »
Ne prêtez pas attention à ces commentaires de basse fosse 😉
L’Europe politique est passée du « serpent monétaire » au « serpent de mer crypto-monétaire ».
Y’a t il encore une personne censée qui sera d’accord pour placer ses ressources dans un truc conçu par l’état ?
Ceci dit, le ton de l’article étant plutôt positif, c’est donc une bonne nouvelle pour qui aura des billes à placer quelque part.